Dans ce premier Bloc, l’accent est mis sur les éléments qui fondent une recherche en sciences humaines et sociales 1 . Cette séance, dans son ensemble, se veut comme une introduction aux questions et problématiques qui dessinent les contours de la recherche en S.H.S. (Ce qui ne saurait se substituer au Cours de méthodologie de recherche (qui est dans la même Unité d'enseignement que le présent Module) ), sa spécificité et son authenticité, une recherche commence avec une question sur le monde qui nous entoure et un désir d’y apporter une réponse à un problème de connaissance, Schutt nous dit que ... ce qui rend la recherche en S.H.S. différente du processus ordinaire de réflexion sur nos expériences est l’emphase qui est mise sur des questions plus larges qui impliquent des personnes en dehors de notre expérience immédiate et l’utilisation de méthodes de recherche systématique pour répondre à ces questions (Schutt, 2012, p.2).
Dans un premier temps nous traiterons, de manière générale, de la recherche en sciences humaines et sociales et des facteurs qui sous-tendent le recours à ce genre d’exercice. Par la suite, nous nous intéresserons au contexte d’une recherche en sciences humaines et sociales et de ses méthodes : nous voulons, à travers cet élément, permettre à l’étudiant de considérer certains aspects élémentaires du travail de recherche et ce en évoquant tour à tour : le rôle de la théorie dans le processus de recherche, ainsi que celui des hypothèses. Nous voudrions surtout, permettre un début de réflexion sur la nature même de la recherche en sciences humaines et sociales, son objet, ainsi que du type de savoir qu’elle permet d’acquérir et sur les conditions de sa production et de sa validité. Dans un second temps, nous nous attacherons à décortiquer ce que nous avons coutume d’appeler les étapes de la recherche 2 avec une attention toute particulière portée aux éléments qui vous faciliterons votre travail de mémoire, à savoir : la revue de la littérature, l’exploitation des théories et la formulation des concepts, les questions de recherche et les hypothèses, l’échantillonnage et la collecte de données, l’analyse des données et leur interprétation ainsi que la rédaction des résultats de la recherche. Enfin, il va sans dire que la recherche scientifique est semée d’embuches, c’est l’un des éléments que nous voudrions mettre en relief vue l’importance qu’il revêt dans la construction de l’esprit critique qui doit animer tout chercheur dans ce genre de discipline.
Cette séance est organisée autour des éléments suivants :
La connaissance, la recherche (fondamentale - appliquée), le questionnement, la science, l’esprit scientifique, l’induction, la déduction, l'épistémologie, l’ontologie sociale, méthode et méthodologie.
La notion de recherche en sciences humaines et sociales n’est pas facile à cerner. La définition de la recherche est liée à un ensemble de considérations d’ordre conceptuelles, philosophiques et épistémologiques. Ces trois grands ensembles nous invitent à considérer, au-delà de la recherche, son esprit, ses finalités
ainsi que ses limites. À ce stade, nous nous contenterons de limiter le sens de la notion de recherche à ce qu’elle a de plus fondamentale : ses finalités. L’esprit de la recherche et ses limites étant deux thématiques qui font appel à des enseignements plus poussés en méthodologie de recherche.
Nous dirons que la recherche vise à combler un certain vide de connaissance autour d’un sujet donné, sujet que le chercheur se propose d’étudier. [ Pour une approche historique de la définition de la recherche scientifique voir : (Cariou, J.-Y., 2019) ].
Pourquoi ? Apporter des réponses, reconsidérer certains aspects non résolus, si l’on est appelé à mener un projet de recherche, une éducation sur les méthodes de recherche est importante, non seulement pour s’assurer que les procédures correctes sont suivies, mais aussi pour apprécier les choix qui font face au chercheur.
Nous faisons de la recherche pour accroitre et étendre le stock de connaissance, ce ne sont pas juste les chercheurs qui font de la recherche, mais d’autres professionnels sans pour autant les partager avec la communauté scientifique ou les publier dans les revues académiques ou ouvrages spécialisés. Babbie , ( 2012 & 2020 ) donne un résumé des motivations à la recherche en sciences humaines et sociales. On remarquera que les motifs s'entrecroisent, le dénominateur commun étant la spécificité du phénomène dont le chercheur essaye de rendre compte.
La recherche prend forme et se développe dans un (ou des) contexte (s) particulier (s), et les méthodes que le chercheur est appelé à développer pour rendre compte de la réalité du contexte qu’il est en train d’étudier ne peuvent en être dissociées. Chaque recherche est spécifique, en ce sens, le chercheur est tenu de prendre grand soin de l’usage qu’il fait des éléments constituant son approche de la réalité, des schèmes qui expliquent cette dernière ainsi que des moyens (logistiques) qu’il décide de mettre en œuvre pour interroger la réalité du phénomène qu’il veut comprendre ou expliquer. Rendre intelligible un phénomène, passe par plusieurs considérations épistémologiques et ontologiques, nous tenons à clarifier certains éléments du contexte dans lequel s’opère la méthode de recherche pour donner à l’étudiant les moyens d’opérer un travail de réflexion avant d’entamer sa recherche :
Lorsque l’on observe le monde qui nous entoure, sans aucun préalable scientifique, nous véhiculons une image inexacte des phénomènes qui y prennent forme. Dans l’absence d’une méthodologie d’observation des faits, nous avons tendance à colporter, à accepter sans aucune critique, ni recul, certaines vraies-fausses idées qui sont du ressort du sens commun.
Nombre d’auteurs ont insisté sur le danger que représente la connaissance commune sur la construction d’un savoir autour d’une problématique donnée. Nous illustrons ci-après les principaux processus qui faussent le raisonnement et voilent la compréhension de la réalité sociale :
L’observation sélective vient du fait que les individus construisent leur point de vue sur leurs croyances voire leurs préférences. L’observation sélective renferme la pensée ainsi que le raisonnement dans des cadres construits par la pensée populaire, des stéréotypes. Dans les faits, notre observation, quand elle est sélective, ne nous permet pas d’avoir un regard objectif sur la réalité qui nous entoure, et ce que nous ressentons, n’est pas forcement ce que nous voyons.
On parle de sur-généralisation (le terme est emprunté aux anglo-saxons overgeneralization) pour signifier que les individus ont tendance à émettre des conclusions à partir de l’observation de certains cas isolés et à généraliser cette observation sur les autres cas.
Ce genre de raisonnement provient de ce que notre expérience du quotidien interfère dans notre subjectivité ainsi que dans la manière de considérer les choses.
Ce genre de constat, de conclusions, hâtifs, montre combien notre expérience du quotidien est limitée. La réalité sociale est quelque chose de plus complexe pour être élucidée de manière aussi naïve et vulgaire. Ce que nous permet notre expérience subjective du réel c’est l’interaction avec un nombre extrêmement limité de cas et d’individus, dans un espace réduit et un temps très court.
La subjectivité de raisonnement intervient lorsque nous tirons des conclusions à partir de suppositions ou d’hypothèses non-valides.
Nous parlons de résistance au changement dans les cas où les individus ne veulent pas revoir leurs opinions ou connaissances d’un problème donné à l’aune de nouvelles explications ou d’informations.
Dans le champ des sciences humaines et sociales différents objectifs sont poursuivis pour les besoins d’une connaissance précise de la réalité (Strydom, 2013, p.2) . On associe généralement, trois objectifs majeurs à cette activité de connaissance et qui sont : l'exploration, la description et l’explication.
On voudrait, dans cette partie de la séance, attirer l’attention des étudiants sur un élément de prime importance concernant le processus de recherche. L’une des questions récurrentes concernant la recherche est celle de savoir la composition de ses étapes, leur nombre ainsi que leur agencement. Beaucoup de débats animent cette problématique, au risque même de certaines divergences parmi la communauté des méthodologues. Nous avons fait le choix de privilégier la notion de processus à celle d’étapes. . . pourquoi ?
En faisant ce choix, nous voudrions surtout insister sur l’originalité de chaque procédure de recherche et ce quel que soit la thématique considérée, chaque chercheur conçoit son étude au gré et aux carences du contexte dans lequel il évolue, parler d’étapes de recherche renverra au strict respect d’un enseignement canonique et occultera toute initiative et forme réflexion dont le chercheur a tant besoin.
La notion de processus, ensuite, obéit aussi à une longue tradition de recherche dans les sciences humaines et sociales telle que formulée par les pionniers de la recherche et reprise par la communauté scientifique (ce propos rejoint l’idée centrale développée par Gaston BACHELARD sur la démarche scientifique et reprise par la suite par nombre de chercheurs ).
Enfin, le processus de recherche en tant que tel appelle à être considéré dans son sens pratique. La recherche scientifique est une investigation qui ne peut être conçue comme un enseignement rigide, la familiarité du chercheur avec son terrain d’enquête est le seul garant de l’accommodation de ce dernier au processus dans son ensemble et aux techniques qui le traversent.
Dans la littérature traitant de la démarche scientifique en sciences humaines et sociales, nous reproduisons les éléments de processus les plus récurrents, à savoir ce dont la présence est indiscutable. Une marge de manœuvre est laissée à l’étudiant quant ’à la manière avec laquelle d’autres procédures (connexes) peuvent être intégrées à son travail de recherche. Il s’agira dans ce support des éléments suivants :
5.1. La revue de la littérature
La revue de la littérature (on dit aussi : l’état de l’art) concernant un sujet qui interpelle le chercheur, permet de mettre la lumière sur les possibles problématiques qui entoure le phénomène et de dégager des pistes de réflexion auxquelles le chercheur n’y a pas été sensible au premier abord.
Nous reviendrons sur ce sujet, crucial dans une recherche scientifique, avec d’amples détails dans le chapitre qui lui est consacré ; mais avant tout, nous dirons que la revue de la littérature permet au chercheur d’accéder à six éléments essentiels à savoir :
Ajoutons qu’une revue de la littérature n’est pas une simple présentation, grossière, de ce qui a été lu, le chercheur en sciences humaines et sociales se doit d'être critique lorsqu’il se prête à ce type d’exercice. Etre critique dans la présentation du contenu des études antérieures ne veut pas dire aller à l’encontre de ce qui a été avancé, mais bien au contraire, c’est d’avoir à l’esprit cette capacité à évaluer la portée de ces travaux, et de montrer comment est-ce que chaque étude antérieure, dans sa singularité, a contribué au façonnement du travail de recherche.
Cette dernière remarque met en jeu la question de crédibilité du travail de recherche. Un chercheur doit être en mesure de lier ses propres centres d’intérêts, ses questions, ses résultats ainsi que leurs discussions aux pans théoriques et empiriques existant.
5.2. Les théories et leurs concepts
Pour reprendre une formule très courante, disons que les concepts sont la manière avec laquelle on se représente le monde, dans ce sens, les concepts sont essentiellement des étiquettes que nous donnons à des aspects, du monde social, qui semblent avoir des caractéristiques communes qui nous semblent significatives . . . les sciences sociales ont une forte tradition de concepts, dont beaucoup sont devenus une partie du langage de la vie quotidienne. Les concepts sont les ingrédients des théories et qu’il est impossible d’imaginer une théorie qui ne possède pas de concept enraciné.
Les concepts mettent à jour tout l’intérêt de la recherche car ils permettent de renseigner sur la manière avec laquelle la recherche a été organisée, un travail de recherche s’articule autour de concepts interconnectés entre eux et enracinés dans les théories qu’ils reprennent, ils permettent ainsi de justifier les moyens de
collecte d’information et leur processus d’analyse.
5.3. La recherche et son système de questions
Toute recherche demande à être précisée par une question, et ce que l’on entend par question de recherche trouve d’autres appellations chez certains autres auteurs en méthodologie (question de départ, question générale . . . ) pour signifier que d’une manière ou d’une autre le travail de recherche prend son sens lorsque l’on s’interroge sur une réalité donnée.
On parlera ici de système de questions pour faire une distinction entre la question que le chercheur se pose au début de sa recherche et celle plus élaborée qu’il mettra en
évidence une fois que sa problématique sera précisée. Les questions de la recherche ont une importance certaine dans tout travail d’investigation scientifique car elles permettent de rendre compte de ce qui nous intéresse réellement dans l’objet que nous nous donnons pour étude ; tout aussi bien, les questions de la recherche (qu’elles soient générales ou particulières) nous permettent de clarifier les objectifs de cette dernière de façon plus précise et plus rigoureuse, elle permettent l’affinement de la
pensée et lui donne le privilège de pénétrer l’essence du phénomène.
De manière plus pratique, les questions de recherche permettent de guider le chercheur à opérer un tri dans ses lectures (et études antérieures) et par conséquent quel type de méthode est à concevoir. Les questions de recherche jouent aussi un rôle primordial dans la sélection des données à collecter et de la manière avec laquelle elles vont être analysées. Enfin, elles permettent de rendre compte des résultats pertinents qui intéressent la recherche et de les communiquer de la manière la plus claire possible.
5.4. Echantillon, échantillonnage et étude de cas
Dans ce point précis du document, nous ne voudrions pas examiner en profondeur ce qui constitue les points communs et les différences entre ces trois procédés (le Bloc 2 lui étant exclusivement dédié). Nous voulons juste signaler une idée très importante suivant laquelle les recherches en sciences humaines et sociales menées pour un objectif de travail de mémoire ou de thèse ne se basent pas sur un grand nombre de cas (le terme cas englobe à la fois les individus et les matériaux à investiguer tels le contenu écrit ou audiovisuel), car les considérations de temps et de coût vont contraindre le travail du chercheur et c’est tout l’intérêt d’opérer une sélection des individus sur lesquels portera l’étude. Un travail d’investigation rend compte d’un microcosme représentatif dont il s’agira, pour le chercheur, de bien le définir et de contrôler ses variables et attributs.
Nous terminerons ce point en disons que l’un des objectifs majeurs de ce module et d’inculquer à l’étudiant une manière de voir les choses, moins standardisée, plus analytique, consistant à choisir sa population d’enquête ainsi que la fraction qui en dérive non pas au travers de calculs et de raisonnement obturés,
mais pour les strictes objectifs et buts de sa recherche.
5.5. La collecte des données
Dans les sciences humaines et sociales, l'établissement de la preuve passe par l'examen d'un certain nombre de cas. La recherche scientifique passe par le recueil de données, objectives ou subjectives, qui témoigneront par la suite au profit d'un agencement, de la véracité du propos de leur auteur.
Le travail de collecte de données d'une enquête se fait en ayant recours à des outils et techniques dont le chercheur se sert suivant les considérations théoriques et pratiques qu'imposent sa recherche.
En ce qui concerne notre enseignement, nous discuterons avec plus de détails des questionnaires et entrevues de recherche, considérés comme les deux techniques les plus usitées dans l'investigation sociale.
La collecte des données est le prélude à une analyse qui en sera faite du matériau récolté, le chercheur, quel que soit son degré d'expertise est appelé à en maitriser les rudiments.
5.6. L’analyse des données
L’analyse des données est l’étape qui consiste à transformer les données brutes, collectées à partir des matériaux utilisés sur le terrain d’investigation, en données significatives et ce après leur avoir fait subir une opération de codage.
L’essentiel dans cette partie de la recherche consiste à opérer une synthèse du corpus de données recueillies sur le terrain, en vue de les réduire à un (ou des) ensemble (s) doué de sens.
En fait, l'analyse de données dépend de la nature de ces dernières ainsi que des modèles conceptuels et empiriques qui président à leur traitement.
L'enseignement que vous êtes en train de suivre se propose de résumé ce vaste champs disciplinaire en trois axes, on traitera des procédures d'échantillonnage et ce quel que soit la nature des données à analyser, puis on scindera notre travail en deux voies, bien que complémentaires, nous détaillerons ainsi l'analyse des données quantitatives (sur divers stages) puis l'analyse des données qualitatives (qui concerne une approche de recherche plus nuancée.)
5.7. Le compte-rendu final
Le compte rendu de la recherche est l’étape cruciale ou le chercheur est appelé à faire ressortir tous les aspects de son investigation ainsi que ses principaux résultats. Notons que le plan de rédaction diffère suivant les traditions propres aux établissements d’enseignement et de recherche; cependant nous mettons en avant les éléments récurrents qui jalonnent ce genre d’exercice :
Le Support ne possède pas de bibliographie finale (dans sa version en ligne), les renvois sont insérés à la fin de chaque Bloc.
Les questions qui suivent vous permettent de faire un état des connaissances discutées durant le Bloc, on fera une discussion durant les séances de Travaux Dirigés.
Le QCM comporte dix questions, à la fin vous aurez votre évaluation ainsi que le corrigé.
Pour accéder au QCM, cliquer sur l'icône suivante :
Dans cette section vous allez pouvoir télécharger des fiches en relation avec le présent enseignement.
Fiche 1 Résumé de la séance : cette première Fiche vous permet de suivre l'enseignement de la séance, elle renferme les éléments les plus importants qu'il faudra retenir, vous devez prendre note sur la même fiche.
Fiche 2 Le processus de recherche : Cette fiche reprend le processus tel qu'il a été présenté par Wallace (1971), le choix a porté sur ce document vu La simplicité qu'il implique, de la présentation du processus. En cliquant sur Ce lien vous aurez accès à la ressource.
Pour aller plus loin dans votre apprentissage de ce premier Bloc, vous pouvez consulter les liens suivants :
Sur l'Appli du Module, vous trouverez le résumé du présent Bloc, ainsi que des séries de Travaux Dirigés qui lui sont liées.
On trouvera aussi des renvois à des contenus multimédias qui intéressent le Bloc.
Dans le volet de Notifications, une mise à jour est prévue, elle se fera suivant les questionnements formulés par les étudiants durant les séances de Cours et de Travaux dirigés.
Une mise à jour concerne aussi les examens des sessions précédentes que l'on corrigera dans les séances de travaux dirigés pour préparer les examens de l'année en cours.
En utilisant le lien ci-dessous, vous pouvez télécharger le Flipbook en format PDF :
Le forum vous permet d'échanger atour de cette première séance, vous remarquerez la présence d'un boutton d'abonnement afin que vous puissiez suivre les discussions au sujet de la recherche en sciences humaines et sociales, c'est l'occasion aussi pour l'enseignant de répondre aux préoccupations et questions des étudiants.