La santé mentale ne peut être comprise indépendamment du contexte social, culturel et religieux dans lequel vit l’individu. La manière dont une société perçoit la souffrance psychique et le trauma influence directement la manière dont cette souffrance est vécue, exprimée et traitée (Hobfoll et al., 2007). Dans le contexte algérien, par exemple, la souffrance psychique est souvent abordée à travers le prisme de la famille et de la communauté, qui jouent un rôle central dans le soutien émotionnel et social. La peur de stigmatisation peut amener les personnes à minimiser ou à cacher leur détresse, et la recherche d’aide se fait souvent dans un premier temps auprès des proches (parents, amis, cousins ...) ou des leaders religieux ( imams, cheikhs...), avant de consulter un professionnel de santé mentale (World Health Organization, 2020).
Les représentations sociales de la souffrance et du trauma déterminent ce qui est considéré comme acceptable ou pathologique, influencent l’expression des émotions et conditionnent la manière dont les individus demandent ou reçoivent de l’aide. Par exemple, certains comportements comme les pleurs ou l’isolement peuvent être interprétés différemment selon le cadre culturel et religieux, et les réactions peuvent varier selon le statut social, l’âge ou la position au sein de la famille (Hobfoll et al., 2007).
La spiritualité et la culture constituent des ressources essentielles pour la résilience. Dans la société algérienne musulmane, la croyance que la vie et la mort sont entre les mains de Dieu aide les individus à donner un sens à la perte et à tolérer l’inacceptable (Koenig, 2012). Les pratiques religieuses, comme la prière, la lecture du Coran, les rassemblements communautaires ou les visites au cimetière, offrent un cadre pour exprimer le deuil, partager la douleur et recevoir un soutien émotionnel et social. Ces pratiques contribuent à réduire l’isolement et à favoriser la régulation des émotions.
Les valeurs familiales et communautaires renforcent également la résilience. La famille élargie, les amis et la communauté forment un filet de sécurité permettant à l’individu de traverser le trauma et de reconstruire progressivement un équilibre psychique. Les rituels collectifs, les veillées funéraires et les commémorations offrent un cadre social et symbolique qui permet de donner un sens à la perte et de transformer la souffrance en une expérience intégrée (Worden, 2009).
Ainsi, la santé mentale doit être envisagée comme un phénomène interdépendant du social et du culturel. Pour les intervenants et les professionnels, il est essentiel de tenir compte des représentations sociales, de la spiritualité et des pratiques culturelles afin de fournir un soutien psychologique approprié, efficace et respectueux. L’intégration de ces dimensions permet non seulement de réduire la détresse psychique, mais aussi de renforcer la résilience individuelle et collective face aux traumatismes (WHO, 2020; Hobfoll et al., 2007).
